Un billet composté à l’envers et tout bascule : voilà ce qui guette les étourdis à bord du tram 28. Ce vieux mastodonte jaune, bringuebalant sur des rails trop étroits, se faufile d’un mur à l’autre, parfois si près que l’on hésite à respirer. Les horaires prennent leur temps, la foule joue à cache-cache, les arrêts défilent sans prévenir, et certains passagers restent prisonniers d’une boucle imprévue.
Ici, l’efficacité reste dehors. Le tram 28 zigzague, ignore la ligne droite, s’amuse des raccourcis. Pourtant, il suffit d’un arrêt manqué pour saisir la raison de cette fascination collective : ce détour imprévu révèle la véritable magie de ce trajet devenu incontournable à Lisbonne.
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Plan de l'article
Pourquoi le tram 28 incarne l’âme de Lisbonne
Impossible de réduire le tramway 28 à un simple moyen de transport. Il épouse la ville, suit ses pentes, s’engouffre dans ses ruelles abruptes, traverse ses places écrasées de lumière, glisse sur les pavés inégaux d’une Lisbonne sans fard. Depuis plus d’un siècle, sa silhouette jaune relie Alfama, Baixa, Graça, cousant ensemble quartiers populaires et collines bourgeoises. Inaugurée en 1914 puis renommée linha 28 en 1928, la ligne s’est taillé une place de choix dans le panthéon des transports en commun de Lisbonne.
À l’intérieur, c’est tout un pan du patrimoine urbain qui prend vie. Les wagons Remodelado, rescapés des années 1930 et restaurés dans les années 1990, conservent leur mécanique d’antan. Banquettes de bois, manivelles polies par les mains, fenêtres battantes : l’ambiance tranche nettement avec la froideur des métros contemporains. La compagnie Carris veille sur ce ballet quotidien, orchestrant le passage de ces tramways qui ont acquis un statut mythique.
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Le tram 28 séduit autant les touristes avides de pittoresque que les lisboètes fidèles à leur routine. Certains cherchent un raccourci, d’autres s’offrent une parenthèse contemplative. Tous partagent un moment hors du temps, rythmé par le couinement des freins et les effluves de linge suspendu. Le jaune éclatant des rames, reflet de la lumière atlantique, rappelle sans cesse que Lisbonne chérit la lenteur et refuse d’effacer sa mémoire.
Un itinéraire unique à travers les quartiers emblématiques
Le tramway 28 relie la place Martim Moniz à Campo Ourique (Prazeres) en traversant des quartiers parmi les plus évocateurs de Lisbonne. Dès le départ, la rame s’enfonce dans l’entrelacs d’Alfama, où les façades blanchies côtoient des azulejos fatigués. Entre linge suspendu, boutiques d’un autre temps et escaliers raides, le décor semble figé dans l’histoire.
Le trajet s’adapte à chaque relief : après le quartier populaire de Graça perché sur sa colline, il file vers les grandes avenues commerçantes de Baixa, centre administratif et marchand. On ressent chaque cahot, chaque virage. Puis vient Chiado et son élégance bourgeoise, avant de s’ouvrir sur Bairro Alto, connu pour son énergie nocturne. La majestueuse Estrela et sa basilique s’imposent avant l’arrivée dans la quiétude résidentielle de Campo Ourique.
Voici les principales étapes qui donnent à ce trajet sa saveur si particulière :
- Martim Moniz : quartier vibrant, reflet du brassage culturel lisboète.
- Alfama : le cœur historique, pur et sans détour.
- Graça : panorama à couper le souffle sur la ville.
- Baixa : artère centrale marquée par l’architecture pombaline.
- Bairro Alto et Chiado : un duo où cohabitent tradition et modernité.
- Estrela : passage obligé par la basilique.
- Campo Ourique (Prazeres) : un souffle de verdure et de tranquillité.
Ce parcours de près de sept kilomètres, jalonné d’une trentaine d’arrêts, trace une géographie intime de Lisbonne. La ligne 28, succession de perspectives et de scènes de rue, révèle la ville dans ses beautés, ses contradictions et ses rituels quotidiens.
Quels sont les conseils essentiels pour voyager sereinement à bord ?
Le tramway 28 attire chaque jour une foule bigarrée de curieux, amateurs de patrimoine ou simples flâneurs. Géré par Carris depuis 1914, il séduit par le cachet de ses véhicules Remodelado. Mais cette popularité impose quelques règles pour profiter du voyage sans tracas.
Anticipez l’affluence : entre 7h et 9h ou en fin d’après-midi, l’afflux de passagers reste contenu. Ces horaires augmentent vos chances de grimper sans attendre une éternité. Après 10h, les touristes affluent et les wagons se remplissent vite. Les stations de départ, Martim Moniz et Campo Ourique, sont les plus propices pour trouver une place assise.
Soyez attentif aux pickpockets. Le tram 28, régulièrement ciblé par les voleurs à la tire, réclame une attention constante à vos affaires. Gardez sacs et appareils photo sous contrôle, surtout dans les virages d’Alfama ou de Graça, où la densité humaine atteint son maximum.
Réduisez le coût du trajet en optant pour une Lisboa Card, un Ticket Zapping ou la carte Navegante. Le billet acheté dans le tram coûte 3 €, mais un pass 24h (autour de 6,40 € à 7 €) permet d’utiliser tout le réseau. Compostez dès la montée, sous le regard attentif du conducteur.
La fréquence varie de 8 à 15 minutes selon l’heure et la circulation. Premier départ à 5h45 (6h45 le dimanche), dernier tram vers 21h15 ou 23h depuis Graça. Profitez de l’attente pour observer le défilé des rames jaunes, signature de la ville. Ici, le temps s’étire : découvrir le tramway à Lisbonne ne se fait jamais à la hâte.
Moments à ne pas manquer et arrêts coup de cœur sur le parcours
Le tramway 28 trace sa route de Martim Moniz à Campo Ourique en une quarantaine de minutes à travers Lisbonne. À chaque détour, une façade pastel, une placette ombragée, un édifice baroque surgit et accroche le regard. Sur les 35 à 38 arrêts du trajet, certains méritent une halte attentive.
La Sé, cathédrale de Lisbonne, impressionne par sa masse romane et sa tranquillité minérale. À deux pas, l’église de Santo António s’offre aux curieux, tandis que la montée vers le château Saint-Georges promet des panoramas époustouflants. À Graça, deux belvédères dominent la ville : le miradouro de Santa Luzia, enroulé de bougainvilliers, et le miradouro da Senhora do Monte, parfait pour admirer le coucher du soleil.
Dans le quartier d’Estrela, la basilique da Estrela déploie ses lignes baroques, et le jardin d’Estrela invite à une pause sous ses arbres centenaires. Plus loin, le cimetière de Prazeres étonne par son calme, ses cyprès et ses mausolées ouvragés.
Pour saisir l’esprit de la ligne, d’autres arrêts valent le détour : la praça Luís de Camões, cœur du Chiado, la Rua Augusta avec ses arcades, l’ascenseur de Santa Justa, les funiculaires grinçants. À chaque station, Lisbonne dévoile une facette inattendue, entre histoire, points de vue et ruelles pavées.
Rater son arrêt n’a rien d’un échec : parfois, c’est l’occasion rêvée d’embrasser tout ce que Lisbonne a de plus sincère à offrir, entre lenteur assumée et surprises nichées au détour d’un virage.