Casque vélo : pourquoi les Néerlandais ne portent-ils pas ?

Aux Pays-Bas, seuls 0,5 % des cyclistes portent un casque, selon les chiffres officiels. Pourtant, le nombre d’accidents mortels impliquant des vélos y demeure parmi les plus bas d’Europe. Cette singularité n’a rien d’anecdotique : la législation locale n’impose aucune protection particulière pour les cyclistes, quel que soit leur âge ou leur usage.

Les campagnes de sensibilisation restent marginales et rencontrent peu d’écho auprès de la population. Alors que de nombreux pays multiplient les injonctions à porter un casque, les Pays-Bas continuent d’aller à contre-courant, sans que cela ne semble compromettre la sécurité de leurs cyclistes.

Aux Pays-Bas, le vélo fait partie du quotidien

Dans les grandes villes néerlandaises, les vélos ne sont pas une curiosité. Ils font partie du décor, de la rue, de la vie. Ici, on ne pédale pas pour se distinguer ou pour afficher un engagement écologique : on enfourche sa bicyclette parce que c’est la manière la plus naturelle de se déplacer. À Amsterdam, Utrecht, Rotterdam, la bicyclette structure les rythmes urbains. Des enfants aux retraités, du banquier à l’étudiant, tout le monde partage la même piste, le même code.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : près d’un quart des trajets quotidiens se fait à vélo, d’après le CBS. Cette omniprésence s’explique par des infrastructures impressionnantes : larges pistes cyclables, feux dédiés, parkings à vélo à chaque angle de rue. Les affrontements vélos-voitures ? Rares. Les cyclistes bénéficient d’un traitement privilégié, au cœur d’une ville pensée pour eux. La cohabitation s’organise, chacun connaît sa place, la signalisation veille.

Le vélo n’a rien d’exceptionnel ici : c’est le prolongement du quotidien, un réflexe, une forme d’évidence collective. On ne s’interroge pas sur la pertinence du casque, on ne débat pas sur la sécurité. Rouler tête nue n’a rien d’une prise de risque : cela révèle la confiance qu’inspire un environnement urbain façonné par et pour les cyclistes. Un équilibre solide, bâti sur la qualité des infrastructures et une vigilance partagée, bien loin des polémiques qui secouent d’autres pays.

Pourquoi le casque reste-t-il si peu porté ?

Le casque vélo intrigue, tant il se fait discret sur les têtes néerlandaises. Le choix de ne pas le porter ne relève pas d’un hasard ni d’un acte de bravade. Il s’explique par une combinaison de facteurs bien ancrés dans la société : aucune réglementation n’impose le port du casque, que l’on soit adulte ou enfant dans les villes. La question ne suscite pas de clivage, contrairement à ce qu’on observe ailleurs.

Les campagnes de sensibilisation peinent à bousculer les habitudes. Prenons la campagne “Zet ‘m op!” de 2022 : malgré sa médiatisation, elle n’a convaincu qu’une minorité. D’après le ministère des infrastructures, moins de 10 % des enfants s’équipent d’un casque, et ce taux dégringole chez les adultes. L’explication revient toujours : le sentiment de sécurité, largement partagé, prime sur l’inquiétude. Les pistes sont sûres, les automobilistes ralentissent à l’approche d’un cycliste, et les collisions graves restent peu fréquentes.

Trois grandes raisons expliquent ce désintérêt pour le casque :

  • Absence de contrainte réglementaire : chacun décide pour soi, sans pression extérieure.
  • Une culture du vélo intégrée : le casque apparaît comme un accessoire décalé dans un univers où la bicyclette est la norme.
  • Confiance dans la prévention collective : la priorité est donnée à la qualité de l’espace public plutôt qu’à la protection individuelle.

C’est une réalité : même les élus favorables au vélo, comme Barry Madlener, n’ont jamais fait campagne pour imposer le casque. Les rares initiatives, telles que “Zet letterlijk een helm op”, n’ont pas changé la donne. Aux Pays-Bas, porter un casque à vélo n’est pas la règle, mais bien l’exception.

Infrastructures, mentalités et sécurité : le trio gagnant des cyclistes néerlandais

La réputation des Pays-Bas en matière de sécurité à vélo ne doit rien au hasard. Le pays a investi dans un réseau cyclable hors norme : plus de 35 000 km de pistes, séparées du trafic motorisé, balisées, dotées de feux spécifiques, et pensées pour limiter les accidents. La voirie s’adapte au vélo, pas l’inverse.

Mais la réussite tient aussi à la mentalité collective. Ici, le vélo n’est pas une revendication : il fait partie de la routine, de la façon de vivre ensemble. Dès l’école primaire, les enfants apprennent à circuler, à anticiper, à veiller sur les autres. Les automobilistes, eux aussi, participent à cet équilibre : ils réduisent leur allure, restent attentifs, considèrent le cycliste comme un usager légitime.

Résultat : le nombre de traumatismes crâniens causés par le vélo reste bas, comparé à d’autres pays européens. Le ministre Barry Madlener salue régulièrement ce modèle, qui doit son efficacité non pas à la généralisation du casque, mais à la réduction des risques à la source. Signalisation claire, entretien rigoureux des voies, partage de l’espace : chaque détail compte pour garantir cette impression de sécurité si distinctive.

Voici les piliers de ce succès :

  • Des pistes cyclables continues et séparées du trafic
  • Une éducation à la circulation dispensée dès le plus jeune âge
  • Une régulation stricte de la vitesse en ville

Famille en vélo dans un parc d

Ce que l’on peut apprendre (ou pas) du modèle néerlandais pour nos villes

Regarder du côté des Pays-Bas, c’est s’inspirer d’une culture vélo qui va bien au-delà des infrastructures ou du débat sur le port du casque. En France, les villes se transforment, mais l’histoire urbaine, la place de la voiture et les habitudes de déplacement diffèrent. L’obligation du casque pour les plus jeunes fait toujours débat, là où les Néerlandais misent sur l’aménagement urbain et la cohabitation.

L’expérience néerlandaise montre que la sécurité des cyclistes dépend d’abord d’un environnement adapté : pistes séparées, intersections repensées, signalisation limpide. Ici, la pédagogie se vit au quotidien, dans la rue, plus que dans les campagnes d’affichage.

  • En France, la pratique du vélo reste trop souvent cantonnée à certains quartiers ou à une activité de loisir, alors qu’aux Pays-Bas, elle irrigue toutes les générations et tous les milieux.
  • La question du casque, obligatoire ou simplement recommandé, se heurte à la diversité des contextes urbains et à l’état des réseaux cyclables.

Le modèle néerlandais n’est pas une formule à dupliquer. C’est une source d’inspiration : investir dans des réseaux cyclables vraiment continus, repenser la circulation, adapter les usages. Le casque, dans ce cadre, devient un choix réfléchi, non le signe d’une inquiétude permanente. La bicyclette, elle, roule sereinement, portée par une ville qui l’a adoptée depuis longtemps. À chacun de tracer sa route : les pistes ne manquent pas, il suffit parfois d’oser pédaler autrement.